Ouvrage somptueux, magnifiquement illustré par « plus de 150 photos à couper le souffle », LâOdyssée des illusions (Éditions La Presse) nâen demeure pas moins un essai, dâailleurs très engagé. Jean Lemire, le biologiste, cède toute la place à Jean Lemire, le citoyen du monde, préoccupé par lâavenir de la planète, dont il a sillonné les mers pendant près de 25 ans. De lâaveu même de lâauteur, ce livre-là est « le plus personnel qu'il n'ait jamais écrit ».
Ce réquisitoire en faveur de la solidarité internationale et de la justice climatique présente dâailleurs de nombreuses analogies avec lâencyclique Laudato siâ du pape François, tous deux estimant être animés par un « devoir de vérité » et par « une vision globale de la situation ». Pour Jean Lemire, lâhumanité a « atteint un point de non-retour; il faut un coup de barre rapide ». Or, le pape ne dit pas autre chose dans Loué soi-Tu : « Le rythme de consommation, de gaspillage et de détérioration de l'environnement a dépassé les possibilités de la planète, à tel point que le style de vie actuel, parce qu'il est insoutenable, peut seulement conduire à des catastrophes » (Laudato si, § 161).
Détenteur d'un diplôme en sciences pures et ayant pris conseil auprès des meilleurs climatologues du monde, le pape « épouse le point de vue de la communauté scientifique selon lequel le réchauffement est principalement provoqué par les activités humaines ». Les voyages de Jean Lemire et du Sedna IV ont justement permis dâétayer scientifiquement les effets de ces changements climatiques sur les populations les plus vulnérables de la planète. Le pape jésuite et le biologiste québécois déplorent dâailleurs lâhypocrisie et la nonchalance des grands puissances et des grands pollueurs, lesquels doivent impérativement aider les pays en voie de développement à faire face aux impacts des changements climatiques. Dâautant que les pays pauvres de l'hémisphère sud sont les premières victimes des dérèglements du climat (Laudato si', §51-52).
Jean Lemire et Jorge Bergoglio sâentendent aussi sur un point : lâurgence dâagir et le manque de volonté politique de nos décideurs. Tous deux en appellent à un changement de mode de vie et à des engagements réels et concrets de la part des dirigeants de la planète. « Beaucoup de ceux qui détiennent plus de ressources et de pouvoir économique ou politique semblent surtout s'évertuer à masquer les problèmes ou à occulter les symptômes », disait le pape en 2015 (Laudato si', §26). En 2016, Jean Lemire ne cachait pas sa déception face au gouvernement Trudeau, alors sur le point dâapprouver un projet d'oléoduc. Pour l'auteur de L'Odyssée des illusions, « les petites mesures, les petits gestes ne suffisent plus ».
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