Gregory Baum (1923-2017)
Dans le monde d'ajourd'hui, Jésus-Christ ne nous invite pas
au repos, mais à une sainte fébrilité.
- Gregory Baum
Né en 1923, à Berlin, dans une famille dâorigine juive et de culture protestante, Gregory Baum fuit lâAllemagne en 1939 pour lâAngleterre. Au tout début de la Seconde Guerre mondiale, il est envoyé au Canada avec les ressortissants allemands et placé dans un camp dâinternement, dâabord au Nouveau-Brunswick puis au Québec. Libéré en 1942, il entame des études en mathématiques, à lâUniversité McMaster dâHamilton, en Ontario.
Converti au catholicisme et appelé par la vie religieuse, il se joint à la congrégation des Augustins en 1946. Ordonné prêtre en 1954, il poursuit des études en théologie à lâUniversité de Fribourg, en Suisse, où il décroche un doctorat en 1956. Expert de lâÅcuménisme, il travaille pendant quelques années à Rome, au Secrétariat pour lâunité des chrétiens. À ce titre, il contribue aux travaux du concile Vatican II. De retour au Canada en 1959, il enseigne la théologie pendant près de trente ans au Collège St. Michaelâs de lâUniversité de Toronto. En désaccord avec la position de lâÉglise catholique sur les questions dâéthique sexuelle, il quitte le sacerdoce et sa communauté religieuse en 1974 pour se marier avec Shirley Flynn. En 1986, il accepte un poste de professeur à lâUniversité McGill.
Installé à Montréal, il noue des liens avec les Jésuites et avec lâéquipe du Centre justice et foi. Il se joint alors au comité de rédaction de la revue Relations â un engagement qui se poursuivra pendant plus de trente ans. Catholique de gauche, il sâétait rallié en 1975 au collectif des Chrétiens pour le socialisme, au terme dâun processus de conversion intellectuelle et spirituelle. «Je nâai pas toujours été de gauche», confiait-il récemment au rédacteur en chef de la revue Relations, Jean-Claude Ravet. À lâépoque du concile Vatican II, admet-il sans ambages, «jâétais un bon libéral, sans même le savoir dâailleurs». Trois rencontres vont alors bousculer ses perspectives théologiques et politiques. Dâabord sa rencontre avec un pasteur vaudois â protestant et socialiste â lors de ses études en Suisse, et qui le sensibilise «aux structures dâoppression» à lâÅuvre dans lâÉglise et dans le monde. Ensuite ses études à la New School for Social Research de New York, en 1969-1971, où il «apprend à regarder la société et lâÉglise à partir de la perspective des victimes, des pauvres et des opprimés, à fixer [s]on attention sur les mécanismes structurels dâaliénation et de domination». Enfin, sa longue amitié avec des théologiens et des chrétiens de gauche tels que Rosemary Ruether, Karl Lévêque, Guy Bourgeault, Yves Vaillancourt et Albert Beaudry.
Dès lâélection du Parti québécois en 1976, et même sâil était alors établi à Toronto, Gregory Baum se montrera favorable au mouvement dâémancipation des Québécois, quâil cherchera à faire comprendre à ses collègues du Canada anglais. En marge de ses engagements ecclésiaux et académiques, il devient membre de partis politiques de gauche, dâabord du Nouveau parti démocratique, ensuite de Québec solidaire, dont il est membre depuis 2006. Il sâest également engagé dans le dialogue interreligieux, notamment avec le théologien musulman Tariq Ramadan.
Teintées par la théologie de la libération, lâenseignement social de lâÉglise et lâoption préférentielle pour les pauvres, la pensée et lâaction de Gregory Baum reposent sur un enracinement dans la tradition biblique et catholique, et sur une critique implacable et sans ménagement des péchés sociaux, tout comme dâailleurs des structures de domination qui étouffent, aliènent, humilient, déshumanisent et tuent. Aussi sâest-il fait le chantre de cette Étonnante Église issue de Vatican II, et de ce catholicisme qui carbure à la compassion et à la solidarité. Aussi sâest-il fait le partisan dâune Église qui sâengage dans tous les grands enjeux et débats de société, même les plus controversés. «Cela le mènera presque naturellement hors des sentiers battus, sans cesse interpellé par les nouvelles questions ou les nouveaux défis : de Vatican II au suicide assisté en passant par le pluralisme religieux, la théologie de la libération et les questions dâéthique sexuelle», note Dominique Boisvert.
Le chroniqueur Louis Cornellier résume en ces termes lâimpact de Gregory Baum sur lâévolution de la société et du catholicisme québécois : «Il y a eu, au Québec, et câest ce qui fait lâimportance de lâÅuvre, un effet Baum. Trop souvent, ici, le catholicisme est assimilé à une pensée ringarde, pépère et insignifiante. Par ses interventions solides et profondes dans le débat public, principalement dans les pages de Relations, Baum a témoigné, comme Jacques GrandâMaison avant lui, de la noblesse de la radicalité du message évangélique de justice et de dignité pour tous dans notre monde. Câest majeur».
Gregory Baum a aussi marqué l'histoire de Communications et Société, et plus largement des communications en Église. Lors d'un colloque national sur l'Église et les communications ayant eu lieu au Séminaire Saint-Augustin, du 4 au 6 juin 1992, il avait prononcé une conférence d'une grande richesse sur les catholiques dans les médias et que nous partageons ci-dessous.
Conférence de Gregory Baum sur les catholiques dans les médias
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