Alphonse Desjardins, un pionnier du catholicisme social au Canada
Frédéric Barriault
Communications et Société
Les communicateurs catholiques qui participeront au Congrès mondial de SIGNIS et au congrès annuel de la Catholic Press Association (CPA) se réuniront à lâUniversité Laval, la toute première université catholique de langue française de lâAmérique du Nord. Bien que fondée en 1852, lâUniversité Laval plonge toutefois ses racines dans lâhistoire de la Nouvelle-France mais aussi dans celle du Séminaire de Québec, fondé en 1663 par saint François de Laval, premier évêque de la colonie.
Or, ces congrès nâauront pas uniquement lieu sur le campus de lâUniversité Laval : ils se dérouleront aussi dans le Pavillon Desjardins de cette même université. Qui était donc cet Alphonse Desjardins? Et pourquoi donc lâuniversité a-t-elle baptisé un pavillon en son honneur?
Né à Lévis, sur la rive-sud de Québec, Alphonse Desjardins (1854-1913) voit le jour dans un Québec qui vit à lâheure du capitalisme industriel mais aussi dâun immense exode rural. Câest par dizaines de milliers que les agriculteurs québécois les plus pauvres quittent la campagne pour aller refaire leur vie dans les villes industrielles du Canada mais aussi â et surtout â des États-Unis. Entre les années 1850 et la Crise des années 1930, près dâun demi-million de Canadien français quittent la province pour aller sâétablir dans les villes industrielles de la Nouvelle-Angleterre : de Burlington et Winooski, au Vermont, à Woonsocket, au Rhode Island, en passant par Lowell, Lawrence et Fall River, au Massachussetts; par Manchester et Nashua au New Hampshire, et par Lewiston, au Maine.
Comme des dizaines de milliers de travailleurs catholiques â Irlandais, Allemands, Italiens, Polonais, Slovaques â sâétant établis aux États-Unis à cette époque, les Canadiens français connaissent cette vie de misère que dénonçait le pape Léon XIII dans son encyclique Rerum novarum sur la question ouvrière.
Préoccupé dès sa jeunesse par cet exode rural et par le triste sort des ouvriers, Alphonse Desjardins espère contribuer à lâamélioration de conditions de vie de ses compatriotes. Comme partout ailleurs, le nerf de la guerre, câest lâargent. Plusieurs agriculteurs veulent moderniser leur ferme, acheter du bétail, investir dans lâoutillage. Bon nombre de travailleurs urbains â charpentiers, maçons, cordonniers, ébénistes, épiciers â souhaitent quant à eux fonder leurs propres entreprises et devenir leurs propres patrons. Hélas, les grandes banques privées refusent de leur prêter de lâargent, forçant ceux-ci à sâendetter auprès dâusuriers malhonnêtes qui les acculent tôt ou tard à la faillite.
Câest pour lutter contre ces périls quâen 1900, Alphonse Desjardins fonde, avec plusieurs membres du clergé catholique de lâépoque et avec l'aide de son épouse Dorimène, les caisses populaires qui portent maintenant son nom. Contrairement aux banques privées, les caisses populaires sont des coopératives, dâailleurs administrées à lâéchelle paroissiale, et qui nâhésitent pas à consentir des prêts aux petits fermiers, de même quâaux propriétaires de petites entreprises.
Au fil des ans, les caisses populaires Desjardins vont contribuer à lâessor de lâagriculture, des pêcheries, du commerce et des petites industries, tant au Québec que dans les paroisses de lâOntario, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Angleterre.
Aujourdâhui, le Mouvement Desjardins est le premier groupe financier coopératif en Amérique du Nord. Il gère des actifs de 258,4 milliards de dollars, grâce à ses 7 millions des membres, à ses 47 655 employés, à ses 313 succursales et à ses 1080 points de service au Québec et en Ontario.
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