HOMMAGE AU CARDINAL JEAN-CLAUDE TURCOTTE
On connaît tous très bien les aventures dâAstérix le Gaulois, celui qui nâavait quâà prendre une gorgée de potion magique pour se doter immédiatement dâune force physique incroyable. Et on se souvient que son compagnon Obélix nâavait pas le droit, lui, de sâabreuver à ce merveilleux élixir parce quâil était tombé dedans quand il était petit⦠Câest comme ça. Il y en a qui nâont pas besoin de sâajouter des attributs spéciaux selon les besoins du moment : ils ont déjà, au fond dâeux?mêmes, cette richesse que dâautres cherchent toute leur vie sans jamais pouvoir se lâapproprier.
Vous me voyez venir : Jean?Claude Turcotte est, tout naturellement, lâObélix de la communication. Il est né avec et il la pratique instinctivement. Si on lui rend hommage aujourdâhui, câest pour illustrer ce quâil possède naturellement et que nous connaissons tous depuis longtemps. Et pour le remercier de lâavoir si bien utilisé parmi nous et pour nous.
On peut dire que ce don ne pouvait trouver place dans un meilleur sujet pour sa mission. DâAstérix, si vous me permettez un lien un peu osé mais tout à fait respectueux et opportun, passons à Jésus, le Christ.
Rappelons?nous saint Jean. Après avoir pris bien son temps, après plusieurs années de réflexion sur le message de son ami Jésus, il écrit : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était Dieu. (â¦) Et le Verbe sâest fait chair et il a habité parmi nous. »
Le Verbe, câest le coeur de la communication. Câest la Parole qui permet dâentrer en relation avec lâautre. Imaginez maintenant que ce Verbe, qui est Dieu, nous dit lâévangéliste, se fait homme pour transmettre son message à lâhumanité, aux hommes et aux femmes quâIl appelle ses frères et ses soeurs : Dieu est notre Père et il nous aime comme ses enfants, dit Jésus. Pour sâassurer que son message soit crédible chez les humains, il sâest fait lâun dâeux.
Pour le prêtre, pour lâévêque, pour lâarchevêque ou pour un cardinal, lâincarnation est ainsi devenue le coeur de la communication. Être avec, pour être cru, pour être crédible. Jean?Claude Turcotte lâa compris. Il a vécu parmi nous, comme on dit de Jésus lui?même.
On sait tous que la communication ne sâexprime pas seulement avec des mots : lâagir est aussi important que la parole dans la transmission du message, pour celui qui ne veut pas se contredire.
Les gestes de Jean?Claude Turcotte, son agir, ont accompagné sa parole : dâoù sa crédibilité sans tache.
Le devoir de sâincarner dans le monde où lâon vit, Jésus lâa compris et sây est conformé dans les détails de sa vie. Avec tous ceux quâil rencontrait, riches ou pauvres, puissants ou dépouillés, avec une préférence pour les démunis. Être avec, ça a parfois été difficile pour lâÉglise. Aujourdâhui, on verrait Jésus plus souvent à lâaccueil Bonneau, au chic restaurant Pop ou à la Maison du Père quâau Club Mont?Royal réservé aux riches. Câest ce que Jean?Claude Turcotte a compris. Câest dâailleurs avec les plus petits, les miséreux et les sans?abri quâil transmettait le plus profondément un message dâespoir.
Ce qui ne signifie pas quâil était mal à lâaise avec les autres, les chefs dâentreprise ou tous les leaders sociaux de toutes espèces. Il pouvait très bien discuter des matchs des Canadiens avec leur président Ronald Corey pour ensuite lâamener à son comité de financement ou de sa collecte annuelle. Dâautant plus quâil savait sâamuser avec tous ces gens : il riait avec eux, parlait comme eux (sauf pour quelques mots quâil préférait garder à la sacristie), échangeait sur leurs défis dâaffaires et sur leurs enjeux sociaux, les entraînait dans sa mission de partage, se faisant le Verbe offert à tous. Sa communication suscitait un élan de foi et de charité. Une Parole, un appel.
La classe la plus crainte de la société est celle des médias. Pas pour Jean?Claude Turcotte. Sans quâils sâen rendent compte, les vedettes des ondes devenaient ses complices. Il semblait se dire : si le Christ a dit quâil « connaissait bien ses agneaux », Jean?Claude Turcotte va prendre les moyens pour que ses brebis connaissent leur pasteur.
Dans notre monde dâaujourdâhui, quâon les aime ou les dénonce, les médias sont les premiers agents de culture et de communication. Mais ne les maîtrise pas qui veut : il faut avoir le sens de la communication en soi pour les apprivoiser et transmettre une Parole ecclésiale ou simplement spirituelle à des auditeurs, des téléspectateurs ou des lecteurs distraits, sollicités par bien dâautres choses. La façon dâêtre avec eux se trouve souvent, obligatoirement, dans la collaboration avec ceux que lâon craint. Sâincarner dans le monde oblige à utiliser les outils du monde pour annoncer un Verbe dâun autre monde. Sans prétention comme sans concession.
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